Le juriste et professeur de droit constitutionnel, Dominique Rousseau, dénonce depuis des années l’autisme des institutions françaises et invite les politiques à la nécessité de changer radicalement de modèle démocratique. A l’heure d’une crise profonde de notre société, nous ne pouvons que voir le lien avec l’obligation faite aux entreprises de revoir leur modèle de fonctionnement. Ce lien, ce sont les femmes et les hommes, animés des mêmes désirs, qu’ils soient citoyens ou salariés.
Le diagnostic que pose Dominique Rousseau est sans appel. Inventé au XIXème siècle, le principe de démocratie représentative se résume ainsi : il y en a qui savent, et les autres se taisent. Littéralement, cela correspond à l’acte même du vote représentatif : « on donne sa voix, puis on devient muet, laissant parler ceux à qui on l’a donnée ». Dans ce cadre, le peuple ne peut agir et vouloir que par ses représentants. Ce principe sur lequel reposent encore nos institutions est aujourd’hui remis en cause et ne fonctionne plus. La société a changé.
Les citoyens doivent intervenir sur la fabrication des lois, à partir de leur expérience
Aujourd’hui, dit-il, les citoyens ne veulent plus donner leur voix. Ils veulent donner de la voix. Nuit debout, les « gilets jaunes », les zadistes, tous ces mouvements sociaux expriment cette nouvelle revendication. Dominique Rousseau plaide, dès lors, pour une démocratie continue, qui donne la possibilité aux citoyens de parler et d’intervenir dans la fabrication des lois, à partir de leur expérience. Sur le terrain, par leur expérience, ils ont une compétence au moins égale voire supérieure aux membres du sénat ou aux parlementaires qui élaborent et votent les lois. Ils savent ce qu’il faut faire pour que ça fonctionne mieux.
Ils ne veulent pas juste d’un référendum, ils veulent délibérer, agir et intervenir concrètement.
Il note que tous les acteurs de la vie sociale s’interrogent sur l’exercice de leur métier : journalistes, médecins, enseignants… Chacun d’eux se voit obligé de repenser son métier avec les acteurs de la société dont il dépend : auditeurs, patients, étudiants. La société tout entière est en train d’attendre la construction d’un nouveau fonctionnement, qui nécessite un changement de principe : Ils veulent être acteurs, intervenir, fabriquer depuis là où ils sont.
Impliquer les salariés dans le fonctionnement de leur entreprise
Les salariés des entreprises et les agents de la fonction publique sont-ils d’autres êtres vivants que ces citoyens-là, dépeints par Dominique Rousseau ? Evidemment non. Pour les mêmes raisons, les entreprises doivent, elles aussi, procéder à un changement profond de modèle. Dans le livre «Impliquer vraiment les salariés» que j’ai écrit avec Gaëlle Roudaut, nous soulignons cette capacité d’action et cette volonté d’être vraiment utile que les collaborateurs du terrain sont prêts à déployer, pour peu qu’on les sollicite.
Mais soyons clairs : là aussi, dans leur entreprise ou leur organisation, ils ne veulent pas juste répondre à un sondage, ils veulent délibérer, agir et intervenir concrètement. C’est ce changement là qu’il faut que les entreprises aient le courage d’entreprendre et de le faire VRAIMENT. Ce sont les voies d’action que propose l’ouvrage.
Sources :
Dominique ROUSSEAU - Six thèses pour la démocratie continue - Odile JACOB, février 2022
