[Conférence] Management et expérience collaborateur au salon HumanDay à Lille

Le 19 septembre dernier, nous étions les invitées du Salon HumanDay à Lille, un salon professionnel rassemblant pour sa 3e édition plus de 2 500 acteurs RH autour du sujet de l'expérience collaborateur. Au cours de la table ronde consacrée au rôle du management dans l'expérience collaborateur, nous avons eu l'occasion de partager quelques unes des convictions développées dans notre ouvrage "Impliquer vraiment les salariés", aux côtés de Romain Pupier de la Metropole de Lille et Alexandra Dubec responsable marque employeur du groupe Cofidis. Que fallait-il retenir de notre intervention ? 

broken image

Pour commencer cette table ronde consacré au management et à l'expérience collaborateur, nous avons eu envie de poser une question ? Qui a encore envie de manager aujourd’hui ? Le constat du désamour du management ne date pas d’hier puisque dès 2018, une étude d’OpinionWay indiquait que 62% des collaborateurs ne voudraient pas devenir managers et qu’un manager sur deux n’avait pas demandé à le devenir. Avec la crise sanitaire, les aspirations individuelles en la matière ne se sont pas arrangées… Mais pourquoi un tel désamour ? est-ce que le management n’est plus désirable ? Pendant de nombreuses années, devenir manager était le graal d’une carrière, dans une société “de progrès”, où la promesse d’un ascenseur social attendait tous ceux qui choisissaient de “s’engager” dans leur travail, pour leur entreprise… Mais ce monde là est révolu, définitivement. Les entreprises évoluent aujourd’hui dans un environnement complexe, à la fois réglementé, très concurrentiel, hyper digitalisé et complètement incertain… et que font-elles pour y survivre ? Elles règlementent, elles produisent des procédures, des nouveaux process, elles pilotent à coup d’indicateurs … La conséquence de ça, c’est que l’écart se creuse de plus en plus entre ce que les sociologues des organisations appellent le travail réel, celui qui est réalisé par les salariés opérationnels sur le terrain, les chantiers, les usines, les magasins, les plateaux téléphoniques, et le travail prescrit, celui que les fonctions support pensent que doivent faire les collaborateurs du terrain. Et qui se retrouvent au milieu de tout ça, entre le marteau et l’enclume ? Les managers évidemment. D'un côté, le marteau, ils sont la cible des injonctions et des prescriptions de l’organisation : faire plus avec moins, faire confiance aux équipes mais reporter, faire plus vite mais avec toujours plus de contraintes et de process, etc. etc. Et de l'autre, l’enclume, leur équipe, les clients, la réalité physique du travail, qui est plusieurs fois par jour très éloignée de ce que le marteau martèle qu’il faut faire… Un tableau qui ne place pas l'expérience collaborateur au coeur du quotidien et encore moins pour les managers.

Pour comprendre cet écart, il faut faire un exercice simple en soi, un exercice que connaissent bien les professionnels du marketing , et qu’ils pratiquent avec clients et propects : se mettre dans la peau des managers, regarder l’entreprise, ses défis, ses enjeux, les équipes, leurs moyens, le travail avec les lunettes des managers, de là où ils sont. Le risque en tant que RH, est de croire qu’on connaît cette réalité : on connaît les métiers, on a porté le référentiel de compétences, rédigé les fiches de poste, etc. Mais est-ce que l’on sait VRAIMENT comment ça se passe ? Prenons un exemple concret, récemment pour une entreprise du monde de l’assistance, dans le cadre d'un projet de communication managériale, l’équipe projet raisonnait globalement sur la “cible des managers” mais elle n’avait pas fait l’exercice de se mettre dans la peau de tel manager, de proximité des équipes d’assistance et de tel autre manager des fonctions supports. L’exercice de co-construire des persona, tel que décrit dans notre ouvrage, a permis de poser toutes les questions : quels sont ses outils de travail, les modes d’interactions qu’il a avec son équipe, avec ses collègues, ses pairs, avec le siège de l’entreprise, de quoi il a besoin pour travailler, quels sont ses irritants au quotidien etc. … pour se rendre compte que les deux typologies de managers n'avaient pas du tout les mêmes réalités. Le manager de proximité terrain, en fait, est beaucoup plus proche de son chargé d'assistance dans son expérience entreprise, que son collègue manager du siège. Concevoir un dispositif de communication managériale “global” reviendrait une fois de plus à prescrire quelque chose d’inadaptée à la réalité de ces managers, là, au risque de contribuer à les désengager plutôt que de faire renaître chez eux le désir de manager

En matière de communication “descendante”, qui est un classique en matière de communication managériale (car oui, on leur indique les éléments de langage, qu'ils doivent cascader) l’entreprise s’adresse toujours à ses managers sur le mode de la pensée : on explique la stratégie, on donne du sens, au sens “meaning” signification, on fait de la pédagogie, des infographies, on écrit des éléments de langage sur les projets, les transformations qu’on demande aux managers de s’approprier pour le relayer auprès de leurs équipes … Ce faisant, on oublie que comprendre n’est pas la seule façon de trouver du sens. Certains managers y trouveront du sens, mais s’adresser à l’intellect ne ne suffit pas universellement. Car oui, les managers sont des humains comme les autres ! Certains ont donc aussi besoins d’émotions, de ressentir les choses, le sens au sens de “feeling”, le plaisir d’être ensemble, de la rencontre, de la convivialité, de la chaleur humaine, de la reconnaissance, de la relation. Et puis d’autres managers ont aussi besoin d’action, de mouvement, de bouger, de pouvoir faire des choses, pour faire avancer l’entreprise, cette fois c’est du sens au sens de la direction.

Ces trois portes d’entrée - Pensée, action, émotion - sont à mettre au même plan, à proposer avec la même intensité, lorsqu’il s’agit d’impliquer le plus grand nombre dans l’entreprise, pour répondre à ces différents besoins de sens. Faire ce triple effort contribue directement à l’expérience collaborateur, à ce que chacun se sente impliqué.

Et si l'on veut mobiliser l’action chez les managers, comment peut-on répondre à ce besoin d’agir et comment est-ce que cela peut contribuer plus globalement à l’expérience collaborateur ? Quand on regarde le management, l’agenda est consacré à faire appliquer les nouvelles procédures par les équipes, ou à pointer dans des tableaux excel des indicateurs pour montrer que le travail a été fait… où est leur capacité d’agir ? C’est à dire où est convoqué leur sentiment d’être vraiment acteur (et pas exécutant) et leur sentiment d’être vraiment utile ?

Nous pensons que pour rendre management désirable, il faut aller chercher dans ce qu’on peut leur donner comme initiatives, pour leur redonner le pouvoir d’agir… ils ont d'ailleurs bien su le faire quand ils étaient seuls sur le terrain pendant la crise sanitaire et que toutes les procédures prescrites sont devenues caduques le 16 mars 2020 !

Un moyen de libérer l’action que nous expérimentons avec succès, ce sont les dispositifs d’innovation. Non pas de dispositifs d’innovation ouverte, qui sollicitent des clients, incubent des startup, développent de nouvelles offres avec des partenaires, mais bien d'innovation participative, celle qui implique les managers et leurs collaborateurs !

L'innovation participative est possible partout : pour améliorer ou simplifier des processus, vous savez ce qu’on appelle amélioration continue ou sa version anglophone le lean management, pour imaginer ou transformer de nouvelles offres, de nouveaux produits, pour consommer plus durable ou réduire nos déchets,etc. etc. L’innovation est à la portée de tous, elle est dans les gestes du quotidien, dans les contraintes imposées par la réalité, elle est souvent le résultat du hasard, du bricolage, de la collaboration …

Se lancer dans de l’innovation participative pour libérer le désir d’agir des managers mais aussi de leurs équipes, ça veut pas forcément dire se lancer dans un énorme dispositif à l’échelle de toute l’entreprise, hyper lourd à porter et à animer… On peut raisonner de manière effectuale, comme les entrepreneurs qui se lancent dans un projet de création d’entreprise. Qu’est-ce que c’est que l’effectuation ? Portée en France par Philippe Silberzahn, qui est entrepreneur, auteur et professeur à l’EM Lyon et interviewé dans notre ouvrage, cette approche s’appuie sur plusieurs principes et notamment, tout d’abord créer le contexte, le terrain de jeu sur lequel va être laissé le pouvoir d’agir, libérer ces initiatives et encore une fois, sans que ce terrain de jeu soit gigantesque si l'on veut des résultats tangibles rapidement, créer le contexte c’est-à-dire poser qqles règles du jeu simples pour encadrer la créativité et susciter l’envie d’un futur désirable. C’est aussi, faire avec ce qu’on a, les moyens du bord, les outils du quotidien, les contraintes aussi. C’est raisonner en perte acceptable, autrement dit, qu’est-ce que l’entreprise est prête à perdre pour faire bouger les lignes : un peu de temps, un peu d’argent ? C'est aussi ce qui permet de se donner le fameux droit à l’erreur aussi, que nous préférons appeler droit à l’essai, condition essentielle, sans laquelle on ne peut libérer aucune initiative, aucune envie d’agir. Et puis tirer parti des surprises, parce que parfois l’innovation surgit du hasard de quelque chose qu’on avait pas vu venir, c’est le fameux principe de sérendipité …Et enfin, surtout c’est Oser demander de l’aide !!! Et qui peut mieux nous aider que les managers, et leurs équipes, qui sont sur le terrain, qui connaissent les contraintes, le métier, comme personne … Mais demander de l’aide aux managers sur de vrais sujets, qui sont importants pour le business, cœur du réacteur, qui préoccupent réellement les dirigeants. Si on sollicite les salariés pour choisir la couleur des moquettes du nouveau batiment dans lequel on déménage, cela s'apparente à un alibi, cela ne sert à rien, voire ça désengage… Libérer les initiatives sur de vrais sujets stratégiques, c’est ce qui va développer le sentiment d’utilité ! Et le sentiment d’utilité contribue évidemment à l’expérience collaborateur !

Pour conclure, notre capacité à agir c’est sans doute ce que nous avons de plus précieux face à l’impuissance et à l'anxiété que l’on peut ressentir face aux défis environnementaux, sociétaux ou encore géopolitiques et face auxquels nous avons du mal à rassembler nos forces individuelles et collectives pour agir. Nous tous citoyens nous sommes aux prises avec les mêmes questions, les mêmes paradoxes que les entreprises : comment consommer moins ou mieux ? l’innovation oui mais soutenable ? Vivre mieux ensemble femmes, hommes, personnes en situation de handicap, de toutes couleurs, de tous âges, de toutes religions, de tous genres, de toutes orientations sexuelles ? Que vouloir comme progrès pour nos enfants ? Nous croyons que dans cette société où les citoyens sont en quête d’action, les entreprises, les organisations ont une responsabilité majeure de “réimplication” de leur management, en lui donnant ces marges de manœuvre pour leur permettre d’être vraiment acteurs. Libérer ce désir d’agir commence par là : considérer d’abord les managers et leurs équipes comme un élément de la solution face aux nouveaux défis qui sont les notres... En 2023, s'entraider est le plus petit risque à prendre, la plus évidente des opportunités à saisir ... et cela contribuera sans nul doute à l'expérience collaborateur de tous !

 

par Gaëlle Roudaut et Fabienne Ravassard

 

Si vous aussi, vous souhaitez nous faire intervenir en conférence dans votre organisation, n'hésitez pas à nous contacter :)